Tout s'est brisé

Un cri. Je sors de mes pensées. Encore ces gamines qui s’amusent à crier pour rien comme si les sous terrain des transports parisiens étaient de grands couloirs pour jouer, aucun respect. Je lève ma main vers mon visage et essuie la larme qui a coulé le long de ma joue droite. Je n’en reviens toujours pas. Il me manque et ne reviendra jamais.

Dans quel monde vit-on ? Ma vie était parfaite jusqu’à hier soir et ce coup de téléphone. Je n’arrive pas à joindre ses parents, savez-vous où ils peuvent être ? Je lui réponds qu’ils sont partis en vacances prendre l’air, voir autre chose que ce monde violent et aigri qui nous entoure ici en métropole. Je demande qui est à l’autre bout du fils et c’est là que la fin commence.

L’hôpital, mon cœur manque un battement. J’ai du mal à respirer, je ne veux plus rien entendre. J’ai peur. Il me dit qu’il est vraiment mal en point, qu’il faudrait que je vienne au plus vite. Je note l’adresse, raccroche, mets mes chaussures, prend mon sac et pars.

Je marche vite, très vite, voir peut être même trop vite. Je risque de m’étaler plusieurs fois mais rien ne m’arrête. Il ne m’a pas dit ce qu’il s’était passé, j’ai une boule dans la gorge. Je tremble dans le RER, j’ai peur. J’ai terriblement peur.

Arrivée à l’hôpital, on m’indique à quel étage il se trouve. Je monte à toute vitesse les escaliers. Je vois une infirmière et lui demande où il est, ce qu’il s’est passé. Elle me dit de patienter que le médecin ne va pas tarder. Il arrive le visage dur surement blasé par la douleur et les drames. Il m’explique qu’une bande s’en est prise violemment aux passagers sur le quai. Il ne voulait pas laisser ses affaires et se rabaisser à eux. Le ton est monté. Tout s’est passé si vite. Deux ou trois mouvements et il s’est effondré au sol, le sang coulait.

Cette odeur me pique les narines. Elle me fait penser à la mort. Il est là allongé le regard serein. Mon cœur se serre, les larmes coulent. Je l’aime et il va partir. Si jeune, la vie est injuste. Je m’assois et pose ma tête sur son torse, prend sa main et écoute ce qui va être les derniers battements de son cœur. Le médecin arrive en trombe dans la chambre avec du renfort. Je reste là impuissante, seules mes larmes qui ruissèlent montrent le désarroi et la douleur de ce moment que je n’aurai jamais voulu connaître.

Le dernier souvenir qui me revient de ce drame est ce moment où je me suis écroulée, où j’aurai voulu mourir à sa place. Ma vie ne sera plus jamais la même. Tout s’est brisé.

Je relève la tête noyée de larmes, de peine et me lève. Je m’approche du quai le train arrive bientôt. Il faisait partie de ma vie, il était l’unique, le seul pour moi. Il a veillé sur moi pendant si longtemps. Maintenant il n’est plus. Je ne veux pas voir la tête des parents, alors je suis partie vite de l’hôpital. De toute façon les lieux devenaient trop oppressants.

Tout ce qu’il me reste sont les souvenirs. Et ce petit être qui se forme au creux de mon ventre. Il a le même sang, notre sang. Je lui donnerai son prénom vu que c’est tout ce qu’il me reste pour que chaque jour Olivier vive un peu en lui. Cette partie de moi. Mon frère que j’aimais tant.